Le choix du domicile de notification d’une citation à comparaître personnellement

Les parties à la procédure peuvent communiquer aux autorités pénales une adresse de notification autre que celles prévues par l’art. 87 al. 1 CPP ; cette pratique respecte les exigences de l’art. 87 al. 4 CPP et ne déclenche pas la fiction du retrait de la déclaration d’appel (art. 407 al. 1 let. c CPP).

I. En fait 

A a été condamné par défaut par jugement du 21 août 2023 pour infractions à l’art. 146 al. 1 CPart. 87 LAVSart. 70 LAVI et art. 106 LACI par le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz (Neuchâtel) qui a également prononcé son expulsion du territoire suisse pour une durée de 5 ans. 

Par déclaration d’appel du 13 septembre 2023, A a interjeté appel contre le jugement par le biais de son conseil, qui a indiqué ne pas disposer de l’adresse postale à l’étranger de son client. Par courrier du 31 octobre 2023, la direction de la procédure a communiqué à l’avocat qu’un mandat de comparution devait être sous peu envoyé à A qui devait comparaître personnellement. Dans ce cadre, la direction de la procédure a également expliqué que – compte tenu du fait qu’A refusait de révéler son lieu de résidence – le mandat de comparution personnelle ne pourrait pas lui être notifié directement et la fiction de retrait consacrée par l’art. 407 al. 1 let. c CPP pourrait s’appliquer. Ainsi, elle lui a imparti un délai pour fournir une adresse où il pouvait être valablement cité. Par lettre du 22 novembre 2023, le conseil de A a produit une attestation signée à la main par ce dernier dans laquelle il indiquait que toute notification le concernant pouvait être adressée à B – son ex-épouse qui était restée en Suisse avec leur enfant commun – à la rue de U, xy à V. Par décision du 28 novembre 2023, la Cour pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois n’est pas entrée en matière sur l’appel de A et a classé le dossier au motif que l’appel devait être réputé retiré. 

A forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral (TF). Il conclut à l’annulation de la décision du Tribunal cantonal et au renvoi de la cause à cette dernière pour qu’elle entre en matière sur la déclaration d’appel. 

II. En droit

Le recourant invoque une violation de l’art. 87 CPP et conteste l’application de la fiction de retrait prévue à l’art. 407 al. 1 let. c CPP selon laquelle l’appel est réputé retiré si la partie qui l’a déclaré ne peut pas être citée à comparaître (c. 1.1).  

Le TF commence son raisonnement en rappelant que sa pratique en matière de communication des prononcés s’applique également à la procédure de recours (ATF 148 IV 362,c. 1.2). Aux termes de l’art. 87 CPP, toute communication doit être notifiée au domicile, au lieu de résidence habituelle ou au siège du destinataire ; les parties et leur conseil qui ont leur siège de résidence habituelle à l’étranger sont tenus de désigner un domicile de notification en Suisse. Lorsqu’une partie est tenue de comparaître personnellement à une audience, la communication lui est notifiée directement, la notification du mandat de comparution au conseil de l’intéressée ne suffit pas (TF 6B_328/2020 du 20.5.2021, c. 2.2.2 et les références citées) (c. 1.2).

Notre Haute Cour rappelle ensuite que l’art. 87 al. 1 CPP n’empêche pas les parties de communiquer aux autorités pénales une adresse de notification autre que celles indiquées par la norme (ATF 139 IV 228c. 1.1 et 1.2). Si les parties agissent de la sorte, la notification doit intervenir en principe à cette adresse sous peine d’être irrégulière. L’hypothèse selon laquelle la notification à l’adresse indiquée serait sensiblement plus compliquée que celle à l’un des lieux mentionnés à l’art. 87 al. 1 CPP reste toutefois réservée (ATF 144 IV 64, c. 2.3 ; ATF 139 IV 228, c. 1.2) (c. 1.3). 

De jurisprudence constante, celui qui sait être partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s’attendre à recevoir une notification d’actes du juge doit relever son courrier ou prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins. Ainsi, le destinataire doit, le cas échéant, désigner un représentant, faire suivre son courrier, informer les autorités de son absence ou leur indiquer une adresse de notification (ATF 146 IV 30, c. 1.1.2 ; ATF 141 II 429, c. 3.1 ; ATF 139 IV 228, c. 1.1) . Il en découle que le destinataire de l’acte non seulement peut, mais également doit désigner une adresse où il pourra être atteint lorsqu’il estime qu’une notification ne pourra pas aboutir au lieu connu des autorités (ATF 146 IV 30, c. 1.1.2, TF 6B_96/2021 du 6.9.2021, c. 1.1.2) (c. 1.4).

Pour l’essentiel, l’autorité précédente juge incompréhensible que le recourant refuse de révéler où il réside alors que les conséquences de son comportement lui avaient été rappelées. La désignation de l’adresse de son ex-femme n’y changeait rien, car cette adresse – d’ailleurs irrégulière puisque l’ex-épouse est domiciliée à la rue xx et non xy, comme dans l’attestation produite par le recourant – n’était pas le lieu de domicile ni de résidence habituelle du recourant. Ainsi, le recourant empêchait par son attitude de le citer à comparaître valablement et l’appel devait être réputé comme retiré conformément à l’art. 407 al. 1 let. c CPP (c. 1.6). 

Le raisonnement de l’autorité précédente ne peut pas être suivi selon notre Haute Cour. Bien que le recourant n’ait pas communiqué son adresse, il a indiqué en tant qu’adresse de notification celle de son ex-épouse, ce qui est conforme à la jurisprudence précitée. En effet, l’art. 87 al. 1 CPP n’empêche pas le recourant de communiquer aux autorités pénales une adresse de notification différente que celle indiquée par la disposition légale. En ce qui concerne l’erreur de plume dans l’attestation, ce serait faire preuve de formalisme excessif (sur cette notion : ATF 149 IV 9, c. 7.2) de considérer que cette erreur fasse obstacle à la notification . Du reste, l’autorité précédente disposait de l’adresse correcte de l’ex-épouse et elle n’a pas démontré avoir essayé de notifier la citation à comparaître à cette adresse. En outre, l’instance précédente ne relève nullement que la notification à l’adresse de l’ex-épouse serait sensiblement plus compliquée qu’à l’un des lieux mentionnés à l’art. 87 al. 1 CPP. D’ailleurs, même à supposer que le recourant ait son domicile à l’étranger, il incombait à ce dernier au sens de l’art. 87 al. 2 CPP, de désigner un domicile de notification en Suisse, ce qu’il a fait (c. 1.7). 

De ce fait, l’autorité précédente a violé l’art. 87 CPP et le recours doit être admis ; la décision attaquée est annulée et la cause renvoyée à l’autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants (c. 2).

III. Commentaire

L’arrêt de notre Haute Cour est à saluer et il permet, dans une certaine mesure, de préciser sa jurisprudence en matière de fiction du retrait d’appel en cas de citation à comparaître en vertu de l’art. 407 al. 1 let. c CPP.  

Par le passé, le TF s’est montré ouvert concernant les circonstances dans lesquelles il est possible de considérer comme retirée une déclaration d’appel (cf. ATF 149 IV 259, résumé et commenté inhttps://www.crimen.ch/204/ ; ATF 148 IV 362, résumé in :  https://www.crimen.ch/123/). Dans le cas d’espèce, le raisonnement juridique tenu par le Tribunal cantonal neuchâtelois n’a toutefois pas convaincu notre Haute Cour. 

Nous partageons le raisonnement exprimé par le TF qui arrive à la conclusion que les parties qui indiquent une adresse de notification pour la citation à comparaître ne devraient pas être privées de leur droit de faire appel. D’autant plus que, comme mentionné par le TF, il incombe aux autorités de prouver qu’elles ont entrepris tous les efforts nécessaires pour trouver l’adresse du prévenu (c. 1.5). 

Au contraire, dans le cas d’espèce, les autorités pénales n’ont même pas tenté de notifier la citation à comparaître à l’adresse indiquée par le prévenu et elles n’ont pas indiqué les raisons qui rendraient une telle notification sensiblement plus compliquée. L’autorité précédente s’est limitée à qualifier le comportement du recourant comme contradictoire ainsi que contraire à la bonne foi et à retenir qu’il faisait obstacle à la notification de l’acte. 

Avec un tel raisonnement, la fiction du retrait soutenue par la cour cantonale privait de facto le recourant de la possibilité de contester, notamment, une expulsion pour une durée de 5 ans. 

Proposition de citation : Basilio Nunnari, Le choix du domicile de notification d’une citation à comparaître personnellement, in : https://www.crimen.ch/275/ du 2 juillet 2024