L’indemnisation des frais d’avocat par l’Etat en cas de conciliation

Lorsque le plaignant et le prévenu parviennent à un accord amiable, leur convention, soumise à l’approbation de l’autorité, doit expressément régler l’ensemble des questions relevant de l’imputation des frais, y compris les indemnités pour les frais d’avocat. A défaut, l’art. 429 al. 1 let. a CPP ne peut servir de base légale pour prétendre à une indemnité à charge de l’Etat une fois la procédure classée.

I. En fait

Le 14 juin 2021, une dispute de voisinage a éclaté entre A et B. Chacune a déposé une plainte pénale contre l’autre auprès du Ministère public de Limmattal/Albis (Zurich). Le 7 mars 2022, le Ministère public a tenu une audience de conciliation qui a permis aux parties de trouver un accord. La convention a été conclue en ces termes : « B versera à A, pour solde de tout compte, la somme de CHF 1’000.- en 4 mensualités (…). Les parties retirent leurs plaintes pénales de manière irrévocable, se désintéressent de la poursuite pénale et renoncent à toute prétention supplémentaire en dommages-intérêts ou en réparation du tort moral ». Après un échange de courriers entre l’avocat de A et le procureur en charge de la procédure au sujet de l’indemnisation des frais d’avocat, le Ministère public a, le 31 mars 2022, classé la procédure engagée contre A, mis les frais de procédure à charge de l’Etat, et a renoncé à lui accorder une indemnité.

A a recouru contre cette ordonnance de classement, concluant à ce qu’une indemnité de CHF 1’901.30 visant à couvrir ses frais d’avocat lui soit accordée. Par arrêt du 19 septembre 2022, la Cour suprême du canton de Zurich a rejeté le recours. A forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral à l’encontre de ce jugement et conclut à l’octroi d’une indemnité sur la base de l’art. 429 al. 1 let. a CPP.

II. En droit

Si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP). Cette disposition institue une responsabilité causale de l’Etat. Celui-ci doit réparer l’intégralité du dommage qui se trouve en rapport de causalité adéquate avec la procédure pénale (ATF 142 IV 237 c. 1.3.1). Le TF relève que l’art. 429 al. 1 let. a CPP ne mentionne pas le sort des indemnités en cas de classement de la procédure à la suite d’une conciliation au sens de l’art. 316 CPP (c. 2.1), contrairement à l’art. 427 al. 3 CPP relatif aux frais de procédure, qui met ceux-ci à charge de l’Etat lorsque le plaignant retire sa plainte au cours d’une tentative de conciliation initiée par le Ministère public. L’art. 427 al. 4 CPP précise que lorsque le prévenu et le plaignant parviennent à un accord avec retrait de la plainte pénale, leur convention requiert l’assentiment de l’autorité qui a ordonné le classement (art. 427 al. 4 CPP). Cette approbation par l’Etat sert à éviter que les frais de procédure soient mis intentionnellement à charge d’une partie insolvable, privant ainsi l’Etat du remboursement des frais auquel il a droit (Message CPP, FF 2006 1057, 1311).

Ces dispositions se réfèrent toutes deux uniquement aux frais de procédure. La doctrine estime que l’art. 427 al. 3 CPP n’inclut pas les indemnités en faveur des parties, lesquelles ne sont donc pas prises en charge par l’Etat (BSK StPO-Domeisen, art. 427N 16 ; SK StPO-Griesser, art. 427N 12), tandis que l’art. 427 al. 4 CPP s’applique tant aux frais de procédure qu’aux indemnités : ces dernières ne peuvent par conséquent pas être mises à charge de l’Etat sans son accord (BSK StPO-Domeisen, art. 427N 17 ; Praxiskommentar StPO-Jositsch/Schmid art. 427N 12). Il découle de ces éléments que tant le sort des frais de procédure que celui des indemnités des parties doivent être réglés dans la transaction soumise à l’assentiment de l’autorité ayant ordonné le classement. A défaut, aucune prétention à l’encontre de l’Etat ne saurait être formulée (c. 2.2). Cette solution se justifie d’autant plus qu’en matière d’interprétation des transactions, la jurisprudence considère qu’en général, la volonté des parties n’est pas de soustraire à leur accord les questions qui ne sont pas traitées expressément dans leur convention mais qui sont étroitement liées à leur divergence d’opinion et dont la résolution s’impose pour mettre fin au litige (TF 5A_89/2021 du 28.8.2022 consid. 5.6.2) (c. 2.3).

Au terme de l’audience de conciliation qui s’est tenue le 7 mars 2022, le Ministère public a indiqué oralement qu’il n’imposerait pas de frais de procédure compte tenu de l’accord trouvé entre les parties. La convention prévoyait que les parties « (…) renonç[ai]ent à toute prétention supplémentaire en dommages-intérêts ou en réparation du tort moral ». Une telle formulation ne laisse pas apparaître de réserve en faveur d’éventuelles indemnités que le Ministère public devrait supporter. Ce dernier n’a du reste pas approuvé une telle réserve. Par conséquent, toute indemnité à charge de l’Etat est en l’espèce exclue (c. 2.3). Le TF rejette ainsi le recours de A (c. 3).

Proposition de citation : Frédéric Lazeyras, L’indemnisation des frais d’avocat par l’Etat en cas de conciliation, in : https://www.crimen.ch/282/ du 16 août 2024