I. En fait
A, née en 1955, a été condamnée le 3 septembre 2021 à une peine privative de liberté de 2 ans et 10 mois, dont 10 fermes, par le Tribunal criminel du canton de Lucerne pour abus de confiance, escroquerie, gestion déloyale et faux dans les titres répétés. Sur appel de A, la peine a été réduite à 2 ans et 9 mois, dont 9 fermes. Le Tribunal fédéral a rejeté son recours le 25 janvier 2023 (TF, 6B_194/2023 du 25.9.2023).
Le 22 février 2024, A a requis l’exécution de la partie ferme de sa peine sous la forme de la semi-détention. Par décision du 22 avril 2024, le Service de probation et d’exécution du canton de Lucerne a rejeté sa demande. Le Tribunal cantonal lucernois a confirmé cette décision. A forme un recours en matière pénale à l’encontre de cette décision auprès du Tribunal fédéral (TF).
II. En droit
Dans cette affaire, les juges fédéraux examinent si la recourante, qui a atteint l’âge légal de la retraite mais qui poursuit encore diverses activités indépendantes (exploitation d’une boutique en ligne, participation à des foires, organisation de séminaires et rédaction de livres de cuisine), exerce un « travail » au sens de l’art. 77b al. 1 CP. La réalisation des autres conditions pour l’exécution de la peine sous forme de semi-détention n’est pas litigieuse (c. 2).
Aux termes de l’art. 77b al. 1 CP, une peine privative de liberté de douze mois au plus ou un solde de peine de six mois au plus après imputation de la détention subie avant le jugement peuvent, à la demande du condamné, être exécutés sous la forme de la semi-détention s’il n’y a pas lieu de craindre que celui-ci s’enfuie ou commette d’autres infractions (let. a), et s’il exerce une activité régulière, qu’il s’agisse d’un travail, d’une formation ou d’une occupation, pendant au moins vingt heures par semaine (let. b) (c. 2.2.1). Le détenu continue son travail, sa formation ou son activité à l’extérieur de l’établissement de détention et passe ses heures de repos et de loisirs dans l’établissement (al. 2). Cette forme alternative d’exécution de la peine privative de liberté, axée sur la prévention spéciale, permet d’éviter l’abandon de l’emploi exercé ou de la formation suivie par la personne condamnée (cf. ATF 150 IV 277, résumé in : https://www.crimen.ch/302/) (c. 2.2.2).
Au sens de l’art. 77b CP, le « travail » désigne tout type d’activité – dépendante ou indépendante – visant l’obtention d’un gain. Le caractère lucratif de l’activité indépendante requiert un élément subjectif et un élément objectif, soit d’une part l’intention de réaliser un gain, d’autre part l’exercice d’une activité permettant la réalisation durable de gains (ATF 143 V 177, c. 4.2.2). L’obtention concrète d’un gain n’est pas exigée, mais une absence durable de bénéfice permet en principe de conclure que l’intention de réaliser un gain fait défaut. En effet, la personne qui souhaite réellement réaliser un bénéfice se convaincra, après une série d’échecs, de l’inutilité de son entreprise et finira par l’abandonner. Il n’est pas possible de définir une période durant laquelle il faut impérativement avoir réalisé un bénéfice. Au contraire, chaque cas doit être apprécié en tenant compte de l’ensemble des circonstances, par exemple les conditions du marché et le type d’activité (c. 2.2.4). Enfin, le fait qu’une personne ait atteint l’âge légal de la retraite n’a pas d’influence sur sa capacité de gain, de sorte que le régime de la semi-détention ne saurait lui être refusé pour ce motif (c. 2.2.5).
En l’espèce, le TF confirme l’analyse de l’instance inférieure selon laquelle la recourante exerce un simple passe-temps et non une activité lucrative indépendante. Pour cause, A déploie son activité depuis cinq ans, de sorte qu’on ne peut pas dire qu’elle se trouve à ses débuts. Durant cette période, son chiffre d’affaires annuel a avoisiné au maximum quelques milliers de francs, duquel il faut encore déduire les charges. Actuellement, elle ne tire aucun bénéfice de son activité, et rien ne laisse présager une amélioration de cette situation dans un futur proche. Le TF n’entre pas en matière sur l’affirmation de la recourante selon laquelle sa condamnation pénale a entraîné une perte de confiance de la part de ses clientes, qui ne pourra être réparée que dans un long processus de reconstruction (c. 2.3 et 2.4.3).
Les juges fédéraux n’examinent pas davantage si les activités de la recourante peuvent être considérées comme une « occupation » au sens de l’art. 77b al. 1 CP, faute de motivation suffisante à cet égard (art. 42 al. 2 LTF). Sur cette question, les juges cantonaux avaient considéré que le but poursuivi par la semi-détention, à savoir éviter la désintégration du marché du travail, s’opposait à son octroi en présence d’un simple passe-temps. En revanche, les tâches domestiques ou éducatives, ainsi que les programmes d’insertion professionnelle pour chômeurs, pouvaient être qualifiés « d’occupation » (TC du canton de Lucerne, 4H 24 14 du 16.7.2024, c. 3.3.1.2 et 3.3.2).
Le TF parvient donc à la conclusion que l’autorité inférieure n’a pas violé le droit fédéral en rejetant la requête de la recourante tendant à exécuter la partie ferme de sa peine privative de liberté sous la forme de la semi-détention. Mal fondé, le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité (c. 2.4.5 et 3).