I. En fait
Le Ministère public du canton de Schaffhouse mène une enquête pénale contre A pour plusieurs infractions, notamment pour brigandage, menaces répétées et menaces alarmant la population. Initialement placé en détention provisoire en mai 2023, A est libéré par le Tribunal fédéral (TF) en juillet 2023 (TF 1B_323/2023 du 4.7.2023). Le 13 juin 2024 A est de nouveau placé en détention provisoire en raison des risques de fuite, de collusion et de récidive.
A demande sa mise en liberté, qui lui est refusée en septembre 2024. Cette décision est confirmée en appel par la Cour suprême du canton de Schaffhouse. Par un premier arrêt TF 7B_1134/2024 du 27 novembre 2024, le TF admet partiellement le recours et renvoie la cause à l’autorité inférieure pour réévaluer le risque de récidive qualifié au sens de l’art. 221 al. 1bis CPP comme motif de détention. La Cour suprême confirme de nouveau la détention de l’intéressé par décision du 16 décembre 2024.
Par ailleurs, une nouvelle prolongation de la détention jusqu’en février 2025 est ordonnée. Le recours de A contre cette prolongation est rejeté par arrêt de la Cour suprême du 23 décembre 2024.
A forme recours contre les décisions du 16 décembre 2024 (7B_1440/2024) et du 23 décembre 2024 (7B_1443/2024).
II. En droit
Dans la mesure où les deux recours sont liés par le même contexte factuel, le TF décide de joindre les deux causes (c. 1).
Le TF rappelle d’abord que la détention provisoire et pour des motifs de sûreté prévue à l’art. 221 al. 1bis CPP ne peut être ordonnée qu’à deux conditions cumulatives. Premièrement, cette disposition présuppose le soupçon sérieux que le prévenu a porté gravement atteinte à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’une personne par un crime ou un délit grave (art. 221 al. 1bis let. a CPP). Deuxièmement, elle requiert l’existence d’un danger sérieux et immédiat que le prévenu commette une infraction de même nature (art. 221 al. 1bis let. b CPP) (c. 3).
En l’espèce, l’instance antérieure avait retenu que les comportements reprochés au recourant, consistant à menacer des passants avec une arme (scie pliante) et de les poursuivre dans un magasin, ont provoqué chez les victimes une peur intense et durable. L’instance antérieure a ainsi caractérisé son comportement comme étant de nature à causer une atteinte grave à leur intégrité psychique (c. 4.2). Le recourant conteste ce raisonnement en niant l’existence d’une infraction grave portant atteinte à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’une personne. D’après lui, une atteinte grave à l’intégrité psychique suppose des effets persistants au-delà du moment de la menace, ce que l’instance précédente n’aurait pas constaté (c. 4.3).
Selon notre Haute Cour, pour justifier une détention provisoire ou pour des motifs de sûreté fondée sur un risque de récidive qualifié, il ne suffit pas que l’infraction reprochée soit considérée comme grave de manière abstraite, notamment sur la base de sa peine maximale. Elle doit également l’être dans ses circonstances concrètes et porter atteinte à des biens juridiques de grande valeur (par exemple : la vie, l’intégrité physique ou sexuelle). L’exigence supplémentaire de « l’atteinte grave » vise ainsi à garantir que les circonstances de l’espèce soient prises en compte lors de l’examen de la détention préventive. Le TF précise que l’existence d’une atteinte grave effectivement commise n’entre pas en ligne de compte dans l’analyse, dans la mesure où une telle atteinte peut parfois avoir été fortuitement évitée (cf. TF 7B_671/2024 du 10.07.2024, c. 2.4.2 ; TF 1B_366/2020 du 12.08.2020, c. 2.4) (c. 4.4).
Le brigandage au sens de l’art. 140 ch. 2 CP constitue un crime grave en raison de son atteinte au patrimoine et à la liberté personnelle de la victime. Sa commission implique toujours un risque pour l’intégrité physique de la victime, justifiant ainsi la détention provisoire en cas de risque de récidive qualifié. En l’occurrence, le recourant ne s’est pas contenté d’emporter une scie pliante lors de vols à main armée, mais l’a utilisée pour menacer ses victimes, créant un danger immédiat de blessure grave ou de mise en péril de leur vie. Ces infractions sont considérées comme des délits graves, tant dans leur principe que dans leur exécution concrète, indépendamment du fait que l’objet utilisé puisse être qualifié ou non d’arme au sens du Code pénal suisse (art. 140 ch. 2 CP). C’est ainsi à juste titre que l’instance précédente a considéré que l’infraction reprochée était de nature à causer une atteinte grave à l’intégrité psychique des victimes (c. 4.5).
Partant, les deux recours sont rejetés (c. 6).