Détention avant jugement et risque simple de récidive (art. 221 al. 1 let. c CPP) : deux condamnations antérieures au moins sont nécessaires

Suite à l’entrée en vigueur de la révision du CPP, le Tribunal fédéral analyse et modifie sa jurisprudence relative à l’art. 221 al. 1 let. c CPP : la notion d’infractions « commises » se rapporte exclusivement à des infractions antérieures ayant fait l’objet d’un jugement entré en force. Partant, une procédure pénale en cours ne peut à présent plus être prise en compte en tant qu’infraction antérieure. Un prévenu ne peut donc être placé en détention avant jugement en raison d’un simple risque de récidive que s’il a déjà été condamné pour au moins deux infractions du même genre dans le cadre de décisions entrées en force.

I. En fait 

Le Ministère public de Zurich ouvre une procédure pénale à l’encontre de A pour une tentative de lésions corporelles graves (art. 122 CP cum 22 CP) ayant eu lieu le 29 juin 2024. Auparavant, A avait déjà fait l’objet le 26 mai 2024 d’une condamnation par ordonnance pénale pour lésions corporelles simples (art. 123 CP) et rixe (art. 133 CP). 

Le 30 juin 2024, A est arrêté et placé en détention provisoire par le Tribunal des mesures de contrainte de Zurich. Lors de l’audience de confrontation du 26 août 2024, A reconnaît les faits reprochés et dépose une demande de mise en liberté. Par décision du 2 septembre 2024, le Tribunal des mesures de contrainte rejette cette demande en raison d’un risque de récidive (art. 221 al. 1 let. c CPP). 

Par la suite, la Cour suprême du canton de Zurich rejette le recours formé par A contre cette décision, sans préciser s’il existait un risque de récidive ou de fuite. 

A interjette recours en matière pénale contre ce jugement auprès du Tribunal fédéral.

II. En droit 

Dans son recours, A fait valoir que les conditions d’un risque de récidive ne sont pas remplies puisque les infractions préalables exigées par l’art. 221 al. 1 let. c CPP dans sa nouvelle version au 1er janvier 2024 font défaut : il n’a été condamné qu’une seule fois au cours des dix dernières années. Par ailleurs, l’infraction examinée dans la présente procédure ne peut pas être considérée comme une deuxième infraction préalable malgré ses aveux puisqu’elle n’a pas encore fait l’objet d’un jugement définitif (c. 2.1). 

Dans sa jurisprudence antérieure, le Tribunal fédéral considérait que selon le libellé de l’art. 221 al. 1 let. c CPP, pour admettre un risque simple de récidive, il fallait être en présence de plusieurs infractions commises antérieurement dont au moins deux infractions du même genre (TF 7B_1022/2023 du 11.1.2024, c. 4.2.1). Ces infractions préalables pouvaient résulter de décisions antérieures entrées en force ou d’infractions faisant l’objet de la procédure pénale en cours. Cela impliquait toutefois une probabilité proche de la certitude que le prévenu avait commis de telles infractions (ATF 150 IV 149, c. 3.1.1) (c. 2.3.1). 

Après avoir souligné que cette question fait l’objet d’une controverse doctrinale, le Tribunal fédéral relève qu’il a laissé entendre que sa jurisprudence antérieure était toujours applicable au nouveau droit (ATF 150 IV 149). Cependant, un examen approfondi de la condition de l’infraction préalable au sens de l’art. 221 al. 1 let. c CPP s’impose (c. 2.3.2 et 2.3.3).

Après une analyse de sa jurisprudence antérieure et des différents avis doctrinaux (c. 2.5.3 – 2.8.3) le Tribunal fédéral s’attèle à l’interprétation du Message du Conseil fédéral du 28 août 2019 concernant la modification du CPP. Il relève que la formulation à ce propos est claire et sans ambiguïté dans les trois langues : le simple risque de récidive exige au moins deux infractions jugées passées en force (FF 2019 6351, 6394). Ainsi, et même si l’art. 221 al. 1 let. c CPP n’a pas été formellement modifié par rapport à l’ancien droit, le Parlement a suivi le projet du Conseil fédéral et réorganisé les motifs de détention préventive. Partant, un prévenu ne peut être détenu pour simple risque de récidive que s’il a déjà été condamné définitivement pour au moins deux infractions de même nature. La jurisprudence établie dans l’ATF 137 IV 84, c. 3.2 ne peut donc être maintenue sous le nouveau droit (c. 2.9 – 2.11). 

En l’espèce, le recourant n’a commis qu’une seule infraction préalable. Partant, le motif particulier de détention qu’est le simple risque de récidive n’est pas rempli et le recours doit être admis sur ce point. L’ordonnance attaquée est annulée et le Tribunal fédéral renvoie la cause à l’instance précédente pour nouveau jugement (c. 2.12). 

III. Commentaire 

Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral apporte une clarification importante sur l’application de l’art. 221 al. 1 let. c CPP, en précisant que la détention préventive pour risque de récidive simple ne peut être ordonnée qu’en présence d’au moins deux condamnations antérieures pour des infractions similaires. Par la même occasion, il réaffirme le principe de la présomption d’innocence (art. 10 CPP) en rappelant qu’une simple accusation ne peut être assimilée à un antécédent permettant de justifier une détention préventive. 

Il convient également de rappeler que le nouvel art. 221 al. 1bis CPP, qui concerne le risque qualifiée de récidive, permet lui, de prononcer la détention provisoire sans antécédent judiciaire (cf. ATF 150 IV 149 et 360).

Proposition de citation : Hélène Rodriguez-Vigouroux, Détention avant jugement et risque simple de récidive (art. 221 al. 1 let. c CPP) : deux condamnations antérieures au moins sont nécessaires, in : https://www.crimen.ch/318/ du 27 février 2025