Viol : la prise en compte du refus de consentir à des rapports sexuels

On ne saurait reprocher à la victime d’un viol (art. 190 CP) qui a clairement manifesté son refus d’avoir des rapports sexuels le fait que son opposition n’ait été que verbale. L’absence de réaction physique de la victime n’est pas décisive en soi, en particulier lorsque, au vu des circonstances globales, il se justifie de considérer que la crainte fondée par le caractère violent et impulsif de l’auteur empêche la victime de s’opposer d’une autre manière. Cela vaut quand bien même il n’y a eu ni menace, ni violence.

Contenu de l’acte d’accusation et appréciation des preuves (« déclarations contre déclarations ») relatives à un viol

Lorsque l’acte d’accusation ne décrit pas les viols reprochés au prévenu de manière individualisée mais expose, de façon globale et détaillée, un seul mode opératoire, le principe d’accusation (art. 9 CPP) est respecté s’il peut être déduit de cet acte que la manière d’agir s’applique pour l’ensemble des infractions. Sous l’angle temporel, il est suffisant que les faits soient circonscrits approximativement. Enfin, dans le cas où les déclarations de la victime sont le principal élément de preuve à charge et s’opposent à celles de l’accusé (« déclarations contre déclarations »), il n’est pas arbitraire pour le tribunal de fonder sa conviction sur une pluralité d’éléments ou d’indices convergents si leur rapprochement permet de déduire de manière soutenable l’état de fait retenu.

Comblement d’une lacune proprement dite aux art. 269 al. 2 CPP et 66a CP par rapport à l’art. 2 LAQEI

Bien que le catalogue respectif des art. 269 al. 2 CPP concernant les mesures de surveillance secrète et de l’art. 66a CP au sujet de l’expulsion obligatoire contienne l’art. 260ter (a)CP incriminant l’organisation criminelle (et terroriste), tel n’est pas le cas de l’art. 2 LAQEI (Loi fédérale interdisant Al-Qaïda et l’État islamique). L’interprétation des art. 269 al. 2 CPP et 66a CP conduit toutefois à retenir que l’absence de l’art. 2 LAQEI est une lacune proprement dite qui doit en conséquence être comblée modo legislatoris par l’autorité judiciaire (art. 1 al. 2 CC).

Utilisation frauduleuse d’un ordinateur par métier et unité naturelle d’actions

Selon le Tribunal fédéral, l’auteur qui se saisit d’une carte bancaire et l’utilise plusieurs fois pour obtenir de l’argent ou des marchandises réalise l’acte à plusieurs reprises, même si l’auteur a eu l’intention d’obtenir le plus d’argent possible dès qu’il s’est emparé de la carte. Chaque retrait ou paiement effectué avec la carte suppose une nouvelle prise de décision. De plus, le fait que l’auteur utilise les sommes provenant de son activité délictueuse à des fins inutiles n’exclut pas la perpétration par métier. Admettre l’inverse reviendrait à mieux traiter l’auteur qui souhaite vivre dans le luxe que celui qui utilise les montants provenant de l’activité délictueuse pour subvenir à ses besoins urgents, ce qui n’est pas en accord avec le but de l’art. 147 al. 2 CP : prendre en compte la dangerosité sociale inhérente à la perpétration par métier.

Le médecin n’est pas responsable du décès par choc anaphylactique de sa nouvelle patiente si celle-ci persiste à ne pas lui transmettre ses antécédents médicaux faisant état d’hypersensibilité allergique

Le nouveau médecin-traitant n’a pas l’obligation d’aller lui-même obtenir à tout prix les dossiers médicaux antérieurs d’une nouvelle patiente auprès de ses confrères ou consœurs. Si la patiente s’abstient de transmettre ses antécédents médicaux après que le médecin lui a demandé par deux fois et avec insistance qu’elle les lui transmette, le risque d’erreur médicale doit être pleinement assumé par elle. Aucune imprévoyance coupable ne peut ainsi être retenue à l’endroit du médecin qui prescrit à sa nouvelle patiente un antibiotique hautement allergénique et létal pour elle.

La coactivité et la complicité par omission improprement dite en matière de viol et de contrainte sexuelle

En quittant la pièce et en laissant la victime se faire violer et contraindre sexuellement par l’auteur, le prévenu adopte un comportement passif moralement critiquable qui peut sembler pénalement répréhensible. Cependant, en l’absence d’une obligation juridique qualifiée dépassant le seuil de l’obligation morale ou éthique, le prévenu n’a pas de position de garant et ne s’est donc pas abstenu en violation d’une obligation juridique d’agir. Il n’a pas non plus participé de manière active aux actes de l’auteur si bien que son comportement demeure sans conséquence pénale.

Jonction de procédures (indépendante ultérieure et ordinaire) confirmée par le TF et rappel du principe de la légalité en matière de conversion de mesures pénales

Une procédure indépendante en matière de mesures (art. 363 ss CPP) initiée pour le prononcé d’un internement peut être jointe avec une procédure pénale ordinaire ouverte ultérieurement contre la même personne ayant également pour objet son internement. Si un appel est déposé contre le jugement de 1ère instance qui en résulte, l’autorité d’appel est compétente pour statuer globalement sur l’internement. Par ailleurs, faute de disposition pénale expresse qui la prévoit, la conversion d’un traitement ambulatoire (art. 63 ss CP) en un internement (art. 64 ss CP) n’est pas possible (cf. art. 1 CP).

Les infractions de génocide et crimes contre l’humanité à l’épreuve des principes d’imprescriptibilité et de non-rétroactivité

L’art. 101 al. 3 CP permet de déroger au principe général de non-rétroactivité de la loi pénale (art. 2 al. 1 CP) ainsi qu’à l’exception de la lex mitior (art. 2 al. 2 CP). Ces dispositions sont complétées, selon les mêmes principes, par les art. 388 à 390 CP concernant l’exécution des jugements, des peines et des mesures, la prescription ainsi que la plainte. L’art. 389 al. 1 CP réserve en effet toute disposition contraire de la loi. Une telle dérogation découle de l’art. art. 101 al. 3 CP s’agissant notamment de la prescription du génocide et des crimes contre l’humanité. Dès lors, sont imprescriptibles les infractions de génocide (art. 264 CP) et de crimes contre l’humanité (art. 264a CP) si l’action pénale ou la peine n’était pas prescrite le 1er janvier 1983, respectivement le 1er janvier 2011 en vertu du droit applicable à ces dates. L’art. 101 al. 3 CP instaure ainsi une rétroactivité limitée des règles sur l’imprescriptibilité des infractions de génocide et de crimes contre l’humanité.

La législation sur les jeux d’argent confrontée à la règle de la lex mitior

La question de savoir lequel du nouveau ou de l’ancien droit est le plus favorable au prévenu doit être évaluée selon une méthode comparative concrète, suivant une logique « en cascade ». Lorsque la révision d’une loi a pour effet d’aggraver les peines pour des infractions données en les faisant passer du rang de contraventions à celui de délits ou de crimes (tel que ceci est le cas, dans le domaine de la législation sur les jeux d’argent, avec le passage de l’ancien art. 56 al. 1 let. a LMJ au nouvel art. 130 al. 1 let. a LJAr), la comparaison se fait entre deux peines de genre différent. Dans ce cas, l’amende doit être considérée comme plus clémente qu’une peine pécuniaire, même assortie du sursis. Ce n’est que si les peines principales sont de même genre qu’elles doivent être comparées en fonction de leur modalité d’exécution, justifiant l’application de l’ATF 134 IV 82 concluant qu’une peine pécuniaire avec sursis est plus clémente qu’une amende dans une telle constellation.

Condamnation contraire au principe de la légalité pour violation d’une mise à ban en raison d’une durée de stationnement dépassée

Le stationnement autorisé durant des heures creuses indiquées au moyen d’un panneau de signalisation alors même que la zone fait l’objet d’une mise à ban est ouvert à un nombre indéterminé de personnes pendant ces heures. Dans cet espace-temps, il s’agit donc d’une route publique. Le dépassement de la durée de stationnement payé intervenu pendant ces heures s’analyse dès lors sous l’angle de la LCR et son ordonnance et non en relation à la mise à ban sanctionnée au moyen du droit cantonal. Il s’ensuit qu’une condamnation fondée sur la violation de la mise à ban est illicite, car elle est contraire au principe de la légalité.

Séquestration, usurpation de fonctions et droit d’arrestation par des particuliers : condamnation d’un agent de sécurité

Le droit d’arrestation par des particuliers de l’art. 218 CPP, motif justificatif applicable par le biais de l’art. 14 CP, est plus étroit que les pouvoirs de la police et il ne peut y être fait appel que lorsqu’une personne est prise en flagrant délit ou crime ou est trouvée immédiatement après la commission d’un crime ou d’un délit. De plus, les impératifs de subsidiarité et de proportionnalité doivent être observés. Le droit d’arrestation des particuliers disparaît lorsqu’il est question de choses valant moins de CHF 300.- (art. 172ter CP). Celui qui ne respecte pas les conditions de l’art. 218 CPP commet une usurpation de fonctions (art. 287 CP) et une séquestration (art. 183 CP). Le droit d’arrestation par des employés œuvrant pour une entreprise de sécurité privée est soumis aux mêmes exigences strictes que le droit d’arrestation par d’autres particuliers.