Provocation policière ou maintien du contact avec la personne soupçonnée : où se situe la limite ? 

En matière d’actes d’ordre sexuel avec des enfants, l’agent de police qui œuvre dans le cadre d’une recherche préventive secrète peut relancer une conversation par chat sans que cela relève de la provocation policière. Le fait que l’agent de police ait demandé à la personne ayant publié une annonce à caractère sexuel si elle « cherche encore quelqu’un » est une manière de maintenir le contact et non pas une incitation à commettre une infraction.

La compétence pour accorder des allégements à l’exécution anticipée des peines et mesures revient aux autorités cantonales d’exécution

Suite à la modification de l’art. 236 CPP entrée en vigueur le 1er janvier 2024, le Tribunal fédéral abandonne sa jurisprudence selon laquelle la direction de la procédure était compétente aussi bien pour autoriser l’exécution anticipée des peines et mesures, que pour accorder d’éventuels allègements dans ce cadre. Désormais, seules les autorités cantonales d’exécution statueront sur les demandes d’allègement à l’exécution anticipée des peines et mesures.

L’exploitabilité des preuves collectées illicitement par des particuliers : une approche abstraite suffit pour l’examen de la condition du recueil hypothétique licite par l’autorité

Lorsque l’on examine la condition du recueil hypothétique licite par l’autorité dans l’analyse de l’exploitabilité d’une preuve obtenue illicitement par un particulier, il n’est pas nécessaire d’explorer, de manière concrète, les circonstances existantes au moment de la récolte de la preuve. Ainsi, il n’y a pas lieu de se demander si, au moment du recueil de la preuve par le particulier, il existait des indices suffisants pour éveiller des soupçons auprès de l’autorité si celle-ci en avait eu connaissance. Il suffit de vérifier de manière abstraite si le moyen de preuve en question est permis par la loi et s’il n’est pas exclu par une restriction légale.

La récusation d’un agent de police : des exigences d’impartialité réduites par rapport à celles d’un procureur ou d’un juge (rappel de jurisprudence)

Les motifs de récusation cités à l’art. 56 CPP s’appliquent à un agent de police en tant que membre d’une autorité pénale (art. 12 let. a CPP). La récusation en raison d’une suspicion de prévention est examinée à l’aune de l’art. 29 al. 1 Cst., en tenant compte de la différence de fonction entre une autorité de poursuite pénale et un tribunal (art. 13 CPP). L’art. 30 al. 1 Cst. garantissant le droit à un tribunal impartial s’applique ainsi avec réserve aux autorités non judiciaires. Il en découle que les exigences d’impartialité sont moins strictes pour un agent de police que pour un procureur ou un juge, étant rappelé que seules des erreurs graves ou fréquentes permettent de conclure à une apparence de partialité d’un procureur.

Détention avant jugement et risque simple de récidive (art. 221 al. 1 let. c CPP) : deux condamnations antérieures au moins sont nécessaires

Suite à l’entrée en vigueur de la révision du CPP, le Tribunal fédéral analyse et modifie sa jurisprudence relative à l’art. 221 al. 1 let. c CPP : la notion d’infractions « commises » se rapporte exclusivement à des infractions antérieures ayant fait l’objet d’un jugement entré en force. Partant, une procédure pénale en cours ne peut à présent plus être prise en compte en tant qu’infraction antérieure. Un prévenu ne peut donc être placé en détention avant jugement en raison d’un simple risque de récidive que s’il a déjà été condamné pour au moins deux infractions du même genre dans le cadre de décisions entrées en force.

Risque de récidive qualifié : le Tribunal fédéral précise les conditions de l’application du nouvel art. 221 al. 1bis CPP

L’une des conditions cumulatives pour prononcer la détention provisoire fondée sur un risque de récidive qualifié suppose une infraction reprochée contre des biens juridiques précieux (art. 221 al. 1bis let. a CPP). Cette gravité ne s’évalue pas uniquement de manière abstraite sur la base de la peine encourue, mais aussi selon les circonstances concrètes de l’infraction.

Rape by deception ? – Viol par dol ?

Une peine privative de liberté de deux ans au titre de l’art. 190 aCP est exagérément clémente et contraire au droit fédéral en dépit du contexte des relations sexuelles obtenues frauduleusement de l’ex-partenaire (contact de celle-ci sur des plateformes en ligne sous une fausse identité et pratiques BDSM avec yeux bandés pour la victime et auteur silencieux pour ne pas être reconnu) et de l’acceptation de ces relations par la femme indépendamment de l’identité de son partenaire. Le Professeur Thommen examine s’il s’est agi dans cet arrêt d’un rape by deception devant être puni au titre de l’art. 190 aCP pour en conclure par la négative, avant de déterminer si cette violation du droit fédéral n’aurait procéduralement pas dû être corrigée d’office en interrogeant : le Tribunal fédéral connaît-il le droit (iura novit curia foederalis) ?

Corona leaks : protection absolue des sources journalistiques, y compris pour le CEO « auxiliaire » d’une entreprise de médias et les documents de l’informateur

Les art. 28a CP et 172 al. 1 CPP ne limitent pas la protection des sources des professionnels des médias aux journalistes au sens strict. Elle s’étend à leurs « auxiliaires ». Cette notion doit être comprise largement comme englobant toute personne contribuant même de manière indirecte à la publication d’informations, y compris les éditeurs, membres de la direction et propriétaires d’une entreprise de médias. En outre, la protection des sources à l’art. 172 al. 2 CPP est absolue lorsque n’entre pas en jeu une infraction figurant au catalogue des exceptions. Il n’y a donc en principe pas de place pour un abus de droit dans l’instruction du chef de la violation du secret de fonction (art. 320 CP). De plus, l’interdiction du séquestre qui en découle s’étend à tous les documents faisant référence à l’auteur, au contenu ou à la source d’une information. Elle vaut donc également pour les documents ou objets de l’informateur, c’est-à-dire « quel[s] qu’en soi[en]t l’endroit » au regard du texte clair de l’art. 264 al. 1 CPP.

L’étendue du droit de la partie plaignante à s’opposer à l’acte d’accusation en procédure simplifiée

L’opposition de la partie plaignante contre l’acte d’accusation dressé en procédure simplifiée (art. 360 al. 2 et 3 CPP) doit se limiter aux aspects touchant ses droits, soit en particulier les prétentions civiles ou les infractions retenues. En revanche, elle ne peut notamment pas porter sur la peine ou la mesure prononcée (art. 352 al. 2 CPP), ni sur les infractions commises au préjudice d’autres parties plaignantes.

L’exception au principe de huis clos en procédure pénale des mineurs 

L’intérêt du prévenu mineur à voir sa sphère intime protégée de la curiosité du public est déterminant en matière de huis clos en procédure pénale des mineurs (art. 14 PPMin). La publicité peut exceptionnellement être ordonnée si les intérêts du prévenu mineur ne sont pas contraires à celle-ci. La gravité des faits, le jeune âge des victimes et le passage à l’âge adulte du prévenu en cours de procédure, peuvent constituer des facteurs militant en faveur de la publicité ou la publicité partielle de la procédure.

Étendue de la compétence répressive du juge unique

L’art. 19 al. 2 let. b CPP limite l’étendue de la compétence répressive du juge unique à une peine privative de liberté de 2 ans. Cette limite dépend uniquement de la quotité de la peine privative de liberté requise par le ministère public ou prononcée par le juge unique, la révocation d’une éventuelle peine avec sursis ou de la libération conditionnelle devant être prise en compte dans ce contexte. Le juge unique demeure donc compétent lorsqu’une peine pécuniaire ou une expulsion est requise ou prononcée en sus.