Le Tribunal fédéral tranche une controverse : la dissolution judiciaire d’une société (art. 731b al. 1bis ch. 3 CO) ne réalise pas la condition objective de punissabilité requise lors d’une infraction dans la faillite (art. 163 ss CP)

En tant qu’il prévoit de mettre fin à l’existence d’une société dont seules les carences organisationnelles ont provoqué sa dissolution et sa liquidation subséquente, l’art. 731b al. 1bis ch. 3 CO ne constitue pas un motif matériel d’ouverture de faillite. En effet, la disposition vise essentiellement à régler une situation non conforme au droit des sociétés. Son application se désintéresse ainsi des questions d’endettement et de solvabilité. Ce faisant, la disposition ne vaut pas un prononcé de faillite rendu par un juge des faillites et ne réalise pas la condition objective de punissabilité requise pour appliquer les art. 163 ss CP.

Primauté d’application de la LAsi sur les dispositions pénales de la LEI en cas de décision de renvoi exécutoire : sanctions et principe de la légalité

L’art. 2 al. 1 LEI prévoit l’application de cette loi aux personnes étrangères dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral, en particulier celles de la LAsi. Lorsqu’une personne requérante d’asile fait l’objet d’une décision de renvoi exécutoire, l’obligation de collaborer à l’obtention de documents de voyage au sens de l’art. 8 al. 4 LAsi prime celle des art. 120 al. 1 let. e cum art. 90 let. c LEI. La LAsi ne prévoyant pas – contrairement à la LEI – de sanction pour la violation d’une telle obligation, une peine prononcée sur la base des art. 120 al. 1 let. e cum art. 90 let. c LEI – inapplicables dans une telle configuration – viole le principe de la légalité.

Suicide en détention provisoire : poursuite pénale des policiers pour homicide par négligence

L’indemnisation accordée à la mère du défunt par la CourEDH ne permet de compenser ni la violation constatée ni le refus d’ouvrir une procédure pénale prononcé en violation de la CEDH. Seule l’ouverture d’une enquête effective sur les circonstances du décès permet la mise en œuvre du droit à la vie. L’exigence du degré de probabilité d’une condamnation est moins élevée pour l’autorisation de poursuite pénale que pour la mise en accusation. Cela vaut d’autant plus pour des infractions graves, en particulier si le jugement pénal porte sur la mort d’une personne.

Juge dans la procédure simplifiée qui échoue, puis dans la procédure ordinaire : pas un motif de récusation en principe

Le fait pour un juge de la procédure ordinaire d’avoir siégé dans le tribunal ayant rejeté une procédure simplifiée ne constitue en principe pas un motif de récusation au sens de l’art. 56 let. f CPP. Il n’y a donc pas lieu de redouter une activité partiale lorsque la procédure simplifiée n’a pas abouti en raison du fait que le prévenu n’a pas confirmé ses aveux lors des débats. Il en va autrement lorsque la procédure simplifiée échoue parce que le tribunal considère que la sanction proposée par le ministère public est trop clémente et plus généralement lorsqu’un juge s’exprime dans la procédure simplifiée d’une manière ne laissant aucun doute quant au fait qu’il a déjà forgé sa conviction en tenant la culpabilité du prévenu pour établie.

Demande de récusation déposée un jour après le dispositif jugée recevable

Une demande de récusation peut être déposée le lendemain de la lecture du dispositif sans contrevenir au principe de la bonne foi lorsqu’elle concerne une apparence de prévention du magistrat durant les débats. Le fait que ce dernier ait le même jour notifié oralement le dispositif du jugement très peu de temps après la clôture des débats est un élément pouvant démontrer le préjugement. Le dépôt de la demande de récusation peut ainsi intervenir après la clôture des débats plutôt que d’être déposée directement aux débats.

Procédure de scellés, copie-miroir des données et inexploitabilité des preuves

Une fois la mise sous scellés (art. 248 CPP) demandée, l’autorité de poursuite ne peut plus procéder – elle-même ou par l’intermédiaire d’un tiers – à la copie-miroir (copie forensique) d’un support de données informatiques. Elle doit la demander au juge des scellés, qui est seul compétent pour l’ordonner. En l’espèce, les vices affectant la procédure de scellés sont si graves qu’ils entraînent le rejet de la requête de levée de scellés, la destruction de la copie-miroir et l’inexploitabilité des preuves récoltées.

Tardiveté du recours contre une ordonnance d’établissement d’un profil ADN

Le fait de signer une ordonnance de prélèvement d’un échantillon ADN n’a aucune influence sur l’obligation légale de notification de l’ordonnance d’établissement du profil ADN prévue par l’art. 85 al. 1 et 2 CPP. En outre, une ordonnance ne peut pas être notifiée avant d’avoir été rendue par l’autorité compétente. Faute de notification, le délai de recours de dix jours prévu par l’art. 396 al. 1 CPP commence à courir le lendemain de la prise de connaissance de l’ordonnance en question.

Forme aggravée de brigandage (art. 140 ch. 3 al. 3 CP) et interdiction de la reformatio in pejus en lien avec le prononcé d’une mesure ambulatoire (art. 63 CP)

La dangerosité particulière avec laquelle agit l’auteur d’un brigandage qualifié (art. 140 ch. 3 al. 3 CP) ne nécessite pas la création d’un danger de mort imminent. Un tel danger relève plutôt de l’art. 140 ch. 4 CP. L’auteur d’un brigandage qualifié doit néanmoins témoigner d’une dangerosité particulière, notamment en agissant avec une certaine violence, avec témérité, ou sans scrupule. En outre, sauf à violer l’interdiction de la reformatio in pejus, l’autorité d’appel ne peut pas ordonner de son propre chef une mesure ambulatoire (art. 63 CP) si elle n’a pas été prononcée en première instance.

Classement partiel implicite et possibilité de complément de l’acte d’accusation après la décision de renvoi du Tribunal fédéral

Devant le tribunal, le ministère public n’est pas lié par l’appréciation juridique des faits contenue dans l’acte d’accusation et peut aller au-delà des propositions qu’il contient (art. 337 al. 2 CPP). Ce n’est toutefois possible que lorsque les faits décrits dans l’acte permettent cette autre qualification juridique. Sinon, une modification de l’acte est nécessaire en vertu de l’art. 333 al. 1 CPP. Des compléments d’information apportés par le ministère public dans son réquisitoire en première instance ne peuvent pas compenser une modification formelle de l’acte d’accusation. En particulier, la mention de la modification de l’accusation au procès-verbal de l’audience ne suffit pas à la rendre valable. Ce refus de complément de l’accusation constitue un classement partiel implicite et il ne saurait être reproché à la victime de ne pas l’avoir contesté, faute de décision de classement explicite indiquant les voies de droit. Lorsque la victime a formulé sa demande de complément de l’acte en première et deuxième instances et que cette requête n’a pas été traitée correctement, le complément demeure possible même après la décision de renvoi du Tribunal fédéral.

La renonciation du prévenu au droit de s’exprimer sur le choix de l’expert et les questions à lui poser

L’art. 184 al. 3, 1ère phr. CPP, selon lequel la direction de la procédure donne préalablement aux parties l’occasion de s’exprimer sur le choix de l’expert et les questions qui lui seront posées et de faire leurs propres propositions, s’applique également en cas d’expertise forensique confiée à un expert officiel (cf. art. 183 al. 2 CPP). Cette disposition concrétise le droit d’être entendu des parties et sert le principe de l’économie de la procédure. Sa violation peut être réparée au cours de l’instruction, ce d’autant plus qu’elle donne seulement un droit de regard aux parties. En s’abstenant de demander une telle réparation, le prévenu renonce à son droit, et ne peut dès lors plus se plaindre du caractère inexploitable du rapport d’expertise.

Un logiciel keylogger est une autre mesure technique de surveillance (art. 280 ss CPP)

L’utilisation d’un logiciel keylogger permettant d’enregistrer les frappes sur un clavier d’ordinateur dans le but d’obtenir des mots de passe tombe sous le coup des art. 280 s. CPP et non pas de l’art. 269ter CPP. Le fait qu’il s’agisse d’un logiciel plutôt qu’un keylogger « mécanique » n’y change rien. Seul le critère du mode et du type d’installation est pertinent pour déterminer si le moyen de surveillance doit être qualifié de « moyen technique de surveillance ». Par ailleurs, un tel logiciel ne permet jamais d’intercepter des communications ou d’accéder à un système de traitement de données.