Les articles en droit matériel

Punissabilité du voyage à des fins de terrorisme selon l’art. 2 LAQEI

Le fait de voyager sur un territoire aux mains de l’organisation terroriste État islamique, de vivre en son sein et de participer à la vie s’y déroulant en tant que membre de la communauté et selon les tâches assignées à son genre tombe sous le coup de l’art. 2 Loi interdisant Al-Qaïda et État islamique (LAQEI). Un verdict de culpabilité fondé sur cette disposition, mais sans précision de la variante de l’incrimination commise, n’est contraire ni à l’art. 1 CP ni au droit d’être entendu. De plus, l’art. 2 LAQEI prime l’art. 74 al. 4 LRens tant et aussi longtemps que le Conseil fédéral n’a pas adopté une liste des organisations interdites au sens de l’art. 74 al. 1 LRens. Enfin, la LAQEI est une loi formelle respectant le principe de la légalité même si elle a été adoptée par voie d’urgence.

Falsification d’une liste électorale constitutive de faux dans les titres

Celui qui falsifie une liste électorale en effaçant le nom d’un candidat pour y apposer le sien et sa signature afin de poser sa candidature et tromper la volonté réelle des signataires d’une liste de soutien réalise l’infraction de faux dans les titres (art. 251 CP). En effet, par son comportement, l’auteur pose sa candidature indûment et modifie ainsi le contenu d’une liste à l’insu des membres qui ont manifesté la volonté de soutenir les candidats initialement proposés, à l’exclusion de l’auteur. Le fait qu’il soit en tant que tel légitime à se porter candidat à l’élection n’y change rien.

Diffusion d’une publication visant les « Tsiganes étrangers » : condamnation des Jeunes UDC bernois pour discrimination raciale

La notion de « Tsiganes étrangers » est un terme générique visant les Roms et les Sinti, qui constituent des ethnies au sens de l’art. 261bis CP. Diffuser une illustration sur laquelle figure un membre de cette ethnie adoptant un comportement insalubre, impudique, criminel et immonde revient à considérer cette ethnie comme inférieure dans son ensemble et crée un climat hostile à son égard. Une telle publication est donc réputée contraire à l’art. 261bis al. 1 et 4 CP.

Le stealthing n’est pas punissable en tant qu’acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de résistance (art. 191 CP) 

Bien qu’il porte atteinte à l’autodétermination en matière sexuelle, le stealthing (soit le fait de retirer son préservatif à l’insu de son ou sa partenaire durant un rapport sexuel) ne constitue pas un acte d’ordre sexuel commis sur une personne « incapable de résistance » au sens de l’art. 191 CP. En l’état actuel du droit suisse, il doit être examiné sous l’angle de l’art. 198 CP (désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel).

Faux dans les titres : la formule officielle en matière de bail à loyer est un titre au sens de l’art. 110 al. 4 CP

Lorsqu’un canton fait usage de la formule officielle consacrée à l’art. 269d CO en matière de bail à loyer, ce document revêt indéniablement une valeur probante accrue et doit être qualifié de titre au sens de l’art. 110 al. 4 CP. Dès lors, quiconque y fait inscrire des loyers fictifs dans le but d’éviter des procédures en contestation de loyer initial et d’augmenter ainsi le rendement du bien immobilier se rend coupable de faux dans les titres (art. 251 CP).

Traiter un individu de « Taliban » est une injure

Le fait que l’Afghanistan soit actuellement à nouveau sous le contrôle du régime des Taliban et que ce dernier entretienne des relations diplomatiques avec des États ne change rien au fait qu’il s’agit d’une organisation terroriste au sens de l’art. 260ter CP. Par conséquent, traiter un individu de « Taliban » doit être interprété en ce sens qu’il appartient à cette organisation et commet par là une infraction pénale, si bien qu’il s’agit d’une injure (art. 177 CP).

La responsabilité pénale de l’entreprise selon l’art. 102 al. 2 CP : nouvelle ordonnance pénale du MPC prononcée à l’encontre de trois entreprises suisses

Le Ministère public de la Confédération (MPC) condamne trois filiales suisses d’un groupe parapétrolier international sur le fondement de l’art. 102 al. 2 CP en lien avec des actes de corruption. Il constate des multiples et graves défaillances dans l’organisation des sociétés, dont l’absence d’un service compliance jusqu’en 2008, qui ont rendu possible la commission des infractions de corruption d’agents publics étrangers. Le MPC édicte ensuite un catalogue détaillé de mesures à prendre quant à une bonne organisation anti-corruption.

Emploi d’explosifs (art. 224 CP) sur un radar routier : le Tribunal fédéral se rallie à la théorie de la représentation

L’infraction d’emploi, avec dessein délictueux, d’explosifs et de gaz toxiques (art. 224 CP) suppose l’existence d’un danger collectif. Conformément à la théorie de la représentation, un tel danger peut déjà être retenu en cas de mise en danger d’une seule personne ou d’une seule chose, pour autant toutefois que cette personne ou cette chose n’ait pas été déterminée à l’avance, mais par le seul effet du hasard, de sorte qu’elle apparaît comme un représentant de la collectivité.

La responsabilité pénale du détenteur d’un compte Facebook public pour des publications de tiers constitutives de l’art. 261bis CP

En l’état actuel du droit suisse et à la différence de ce qui prévaut en droit français, il n’est pas de disposition légale qui régit la responsabilité pénale des utilisateurs de réseaux sociaux tels que Facebook pour la diffusion, sur leur compte et par des tiers, de contenus haineux ou discriminatoires et donc illégaux (art. 261bis CP). Il est contraire au principe de la légalité (art. 1 CP et 7 CEDH) de fonder une obligation de surveillance et modération des commentaires à charge du détenteur d’un compte sur la base d’un risque accru de diffusion de contenus illégaux, lui-même déduit de circonstances comme les sujets polémiques généralement débattus sur ledit compte ou le type de commentaires qui y sont fréquemment publiés.

En l’état actuel du droit suisse, le viol suppose la contrainte et la solution du consentement « oui c’est oui » nécessite un changement législatif

Le Tribunal fédéral confirme l’acquittement pour viol et contrainte sexuelle d’un auteur ayant eu un rapport sexuel oral et vaginal avec une personne qui alléguait n’y avoir jamais consenti, au motif que ni la contrainte, ni l’intention n’ont pu être considérées comme établies.

Le Tribunal fédéral tranche une controverse : la dissolution judiciaire d’une société (art. 731b al. 1bis ch. 3 CO) ne réalise pas la condition objective de punissabilité requise lors d’une infraction dans la faillite (art. 163 ss CP)

En tant qu’il prévoit de mettre fin à l’existence d’une société dont seules les carences organisationnelles ont provoqué sa dissolution et sa liquidation subséquente, l’art. 731b al. 1bis ch. 3 CO ne constitue pas un motif matériel d’ouverture de faillite. En effet, la disposition vise essentiellement à régler une situation non conforme au droit des sociétés. Son application se désintéresse ainsi des questions d’endettement et de solvabilité. Ce faisant, la disposition ne vaut pas un prononcé de faillite rendu par un juge des faillites et ne réalise pas la condition objective de punissabilité requise pour appliquer les art. 163 ss CP.

Primauté d’application de la LAsi sur les dispositions pénales de la LEI en cas de décision de renvoi exécutoire : sanctions et principe de la légalité

L’art. 2 al. 1 LEI prévoit l’application de cette loi aux personnes étrangères dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral, en particulier celles de la LAsi. Lorsqu’une personne requérante d’asile fait l’objet d’une décision de renvoi exécutoire, l’obligation de collaborer à l’obtention de documents de voyage au sens de l’art. 8 al. 4 LAsi prime celle des art. 120 al. 1 let. e cum art. 90 let. c LEI. La LAsi ne prévoyant pas – contrairement à la LEI – de sanction pour la violation d’une telle obligation, une peine prononcée sur la base des art. 120 al. 1 let. e cum art. 90 let. c LEI – inapplicables dans une telle configuration – viole le principe de la légalité.