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Le juge du fond est compétent pour traiter l’indemnisation d’une détention illicite (art. 431 CPP) subie sous la forme d’un retour en exécution d’une précédente peine en application de l’art. 237 CPP

Lorsqu’un prévenu en libération conditionnelle est placé en détention pour de nouvelles infractions en application de l’art. 237 al. 1 CPP sous la forme d’un retour en exécution d’une peine, le juge du fond saisi dans le cadre de la procédure pénale pendante est compétent pour se prononcer sur l’indemnité fondée sur l’art. 431 al. 1 CPP. Les principes d’économie de procédure et de cohérence s’opposent à ce que le prévenu se retrouve à saisir parallèlement les autorités cantonales compétentes en matière de responsabilité de l’État pour être indemnisé de ce chef.

Limites de l’acceptation du risque lors d’une activité sportive et restriction du champ d’application de l’art. 237 CP

Dans le cas d’une mise en danger d’autrui avec son consentement (einverständlicher Fremdgefährdung) lors d’une activité sportive, la victime n’accepte pas valablement le risque lorsque la maîtrise de l’enchaînement causal se trouve entre les mains de l’auteur, que celui-ci viole gravement les règles applicables à la discipline sportive en question et que la victime ne peut intervenir. Par conséquent, l’auteur répond de la réalisation du risque qu’il crée. En outre, le Tribunal fédéral modifie sa jurisprudence relative à l’art. 237 CP et restreint ainsi son champ d’application : la victime de l’infraction ne peut être qu’un usager des transports publics touché par hasard, usager qui représente donc la collectivité. En d’autres termes, l’art. 237 CP ne peut s’appliquer que lorsqu’une pluralité de biens juridiques représentant la collectivité sont mis en danger ou lorsqu’une seule personne ou chose est mise en danger fortuitement, sans qu’elle ne soit déterminée de manière individuelle en amont.

Cas de peu de gravité et expulsion pénale en cas d’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale : le Tribunal fédéral fixe des limites chiffrées

En cas de perception indue d’une prestation d’une assurance sociale ou de l’aide sociale (art. 148a CP) d’un montant inférieur à CHF 3’000.-, il faut toujours partir du principe que l’on se trouve en présence d’un cas de peu de gravité puni de l’amende (art. 148a al. 2 CP), qui exclut le prononcé d’une expulsion (art. 66a al. 1 let. e CP a contrario et art. 105 al. 1 CP). Si le montant de l’infraction est supérieur à CHF 36’000.- il ne s’agit plus, sauf circonstances particulières, d’un cas de peu de gravité. Entre ces deux limites, l’examen du degré de culpabilité de l’auteur permet de déterminer si un cas de peu de gravité doit être retenu.

Conversion d’une peine pécuniaire en peine privative de liberté de substitution et compatibilité avec la Directive européenne sur le retour

Selon la Directive européenne sur le retour, applicable en Suisse, les mesures de refoulement ont la priorité sur le prononcé d’une peine privative de liberté à l’encontre du ressortissant d’un pays tiers qui est en séjour illégal. Le prononcé d’une peine pécuniaire est compatible avec la Directive s’il n’entrave pas la procédure de renvoi. Dans l’hypothèse où la peine pécuniaire est convertie en une peine privative de liberté de substitution, l’autorité d’exécution doit s’assurer que la conversion est conforme à la réglementation européenne. A cette fin, il est nécessaire d’examiner le dossier relatif à la procédure de droit des étrangers menée à l’encontre de la personne concernée dès lors qu’il permet de déterminer si les mesures nécessaires à la mise en œuvre du renvoi ont été prises et si la conversion de la peine pécuniaire en peine privative de liberté de substitution et, le cas échéant son exécution ne compliquent pas le refoulement.

L’interdiction de transmission au détenu de photographies de ses enfants sur lesquels il a auparavant commis des crimes d’une particulière gravité

Lorsque des enfants sont victimes de crimes d’une particulière gravité commis par leur père, il appartient aux autorités publiques chargées de l’exécution de la sanction pénale de protéger leur personnalité, tant que les mesures prises ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire. En l’espèce, il était proportionné d’exiger le consentement des enfants et victimes de A – avec lesquels tout contact lui était interdit par le plan d’exécution de sa sanction – à ce qu’il lui soit transmis leurs photographies.

Mobile honorable et activisme climatique

Un mobile honorable (art. 48 let. a ch. 1 CP), conduisant à une atténuation de la peine (art. 48a CP), est susceptible d’entrer en considération à l’égard d’activistes du climat en tant qu’ils agissent dans une perspective de sensibilisation écologique, ou d’éveil des consciences face à l’insuffisance de l’action politique sur ce plan. Cependant, si les actions des activistes reflètent en même temps une critique anticapitaliste ou traduisent une remise en question de la légitimité démocratique du droit et des autorités chargées de son application, aucun mobile honorable ne peut être retenu. Il en va de même lorsque les actes des militants, par leur violence, conduisent à des déprédations ou à un risque d’atteinte à l’intégrité corporelle d’autrui.

La qualité de partie du plaignant dans la procédure de récusation

L’autorité statuant sur la demande de récusation a l’obligation (et non pas seulement la compétence) d’intégrer la (les) partie(s) adverse(s) à la procédure. Cette obligation découle de manière directe du droit à un tribunal établi par la loi et de manière indirecte du principe de l’unité de la procédure. Celui qui est touché dans son droit à un tribunal établi par la loi et qui dispose ainsi de la qualité pour recourir, au sens de l’art. 81 al. 1 LTF, doit pouvoir participer à la procédure devant toutes les autorités cantonales inférieures, en vertu de l’art. 111 al. 1 LTF.

L’exception au prononcé d’une interdiction à vie d’exercer une activité et la notion de « cas de peu gravité »

En cas de condamnation pour pornographie impliquant des actes d’ordre sexuel avec des mineurs, le principe est celui du prononcé d’une interdiction à vie de toute activité professionnelle et non professionnelle organisée supposant des contacts réguliers avec des mineurs (art. 67 al. 3 let. d ch. 2 CP). La renonciation exceptionnelle à cette interdiction suppose que soient remplies les conditions cumulatives prévues par l’art. 67 al. 4bis CP, à savoir qu’il s’agisse d’un cas de peu de gravité et que ladite interdiction ne paraisse pas nécessaire pour empêcher la récidive. Le tribunal doit renoncer à prononcer l’interdiction si ces deux conditions sont remplies et que les lettres a et b de cette même disposition (exception à l’exception) ne sont pas applicables. La notion de cas de peu de gravité doit être appréhendée strictement. Télécharger et détenir 136 images à contenu pornographique dur ne peut manifestement pas être interprété comme étant de peu de gravité.

Production en justice de données soumises au secret bancaire : violation de l’art. 47 LB par dol éventuel

Un avocat ne saurait partir du principe que son client, aussi consciencieux se soit-il montré par le passé, a procédé au caviardage des données soumises au secret bancaire lorsqu’il lui remet un document bancaire en vue de sa production en justice. L’avocat doit prendre connaissance de l’intégralité du document et, cas échéant, caviarder les données qui ne l’ont pas été avant de le produire en justice. À défaut, l’avocat viole le secret bancaire (art. 47 al. 1 let. c LB) par dol éventuel.

Exploitabilité des enregistrements de vidéosurveillance par des particuliers et respect des principes de transparence et de proportionnalité

L’utilisation par des particuliers d’une caméra de vidéosurveillance qui filme le domaine public est soumise à la loi sur la protection des données (LPD). Les enregistrements vidéo ne sont licites que si la vidéosurveillance respecte le principe de transparence (art. 4 al. 4 LPD) et le principe de proportionnalité (art. 4 al. 2 LPD). Il revient à l’autorité d’instruction de déterminer avec précision si ces principes sont respectés.

L’exploitation de moyens de preuve récoltés par vidéosurveillance sur un parking d’aéroport

La vidéosurveillance d’un parking d’aéroport constitue vraisemblablement un traitement de données licite au regard de la LPD. En effet, en l’espèce, le prévenu n’a pas démontré que le volume de données récoltées, leur traitement et les personnes ayant accès aux enregistrements étaient problématiques. Au contraire, il apparaît plutôt que l’atteinte à la personnalité du prévenu provoquée par la prise de vue des caméras du parking était justifiée par les divers intérêts privés de l’exploitant (art. 13 al. 1 LPD). Les enregistrements effectués peuvent donc être considérés comme licites et l’absence de consentement du prévenu n’y change rien. En conséquence, les enregistrements sont exploitables au sein d’une procédure pénale sans qu’il ne faille procéder à la pesée d’intérêts de l’art. 141 al. 2 CPP.

La condamnation d’un Conseiller d’Etat et de son chef de cabinet à l’infraction d’acceptation d’un avantage (art. 322sexies CP)

Les infractions d’octroi et d’acceptation d’un avantage (art. 322quinquies et 322sexies CP) sont des infractions dites « miroir », mais qui restent autonomes. Pour l’agent public, il importe peu de savoir si le corrupteur lui offre un avantage indu dans l’intention de l’influencer dans l’accomplissement des devoirs de sa charge. Dès que l’agent public a conscience du caractère indu de l’avantage qu’il accepte, que cet avantage est objectivement susceptible d’influencer l’agent public dans l’exercice de ses fonctions et que l’agent s’accommode de le recevoir en raison de sa qualité de fonctionnaire, l’infraction est réalisée. Par conséquent, il n’existe pas de parallélisme entre l’illicéité de l’octroi de l’avantage indu et celle de son acceptation par l’agent public.