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L’exploitation de moyens de preuve récoltés par vidéosurveillance sur un parking d’aéroport

La vidéosurveillance d’un parking d’aéroport constitue vraisemblablement un traitement de données licite au regard de la LPD. En effet, en l’espèce, le prévenu n’a pas démontré que le volume de données récoltées, leur traitement et les personnes ayant accès aux enregistrements étaient problématiques. Au contraire, il apparaît plutôt que l’atteinte à la personnalité du prévenu provoquée par la prise de vue des caméras du parking était justifiée par les divers intérêts privés de l’exploitant (art. 13 al. 1 LPD). Les enregistrements effectués peuvent donc être considérés comme licites et l’absence de consentement du prévenu n’y change rien. En conséquence, les enregistrements sont exploitables au sein d’une procédure pénale sans qu’il ne faille procéder à la pesée d’intérêts de l’art. 141 al. 2 CPP.

La condamnation d’un Conseiller d’Etat et de son chef de cabinet à l’infraction d’acceptation d’un avantage (art. 322sexies CP)

Les infractions d’octroi et d’acceptation d’un avantage (art. 322quinquies et 322sexies CP) sont des infractions dites « miroir », mais qui restent autonomes. Pour l’agent public, il importe peu de savoir si le corrupteur lui offre un avantage indu dans l’intention de l’influencer dans l’accomplissement des devoirs de sa charge. Dès que l’agent public a conscience du caractère indu de l’avantage qu’il accepte, que cet avantage est objectivement susceptible d’influencer l’agent public dans l’exercice de ses fonctions et que l’agent s’accommode de le recevoir en raison de sa qualité de fonctionnaire, l’infraction est réalisée. Par conséquent, il n’existe pas de parallélisme entre l’illicéité de l’octroi de l’avantage indu et celle de son acceptation par l’agent public.

Un comportement trop passif et peu communicatif pendant plusieurs années peut entraîner l’aliénation du lien de confiance entre un prévenu et son défenseur d’office

Le CPP prévoit que la défense peut être compromise non seulement en cas de violation objective des devoirs du défenseur, mais aussi lorsque le rapport de confiance est considérablement perturbé. La rupture de la relation de confiance doit être étayée et objectivée par des indices concrets. Le Tribunal fédéral considère qu’il est objectivement compréhensible qu’un prévenu perde progressivement la confiance nécessaire dans son défenseur d’office lorsque celui-ci a un comportement trop passif et peu communicatif pendant plusieurs années.

Expulsion d’un étranger vers un État tiers sans examen de son droit à y séjourner

L’expulsion pénale d’un étranger (art. 66a CP) vers un « État tiers » doit être possible, ce qui suppose qu’il y bénéficie d’un droit de séjour. Lorsqu’elle est prononcée « vers un pays tiers » sans précision quant à l’État de destination, si ce n’est qu’il ne peut s’agir de l’État où l’étranger ne peut être renvoyé en raison du principe de non-refoulement, l’expulsion est contraire au droit fédéral.

Spectacle humoristique à relents négationnistes punissables :  des propos contraires aux valeurs de la CEDH ne bénéficient pas de la protection de la liberté d’expression

La remise en question de l’existence des chambres à gaz durant l’Holocauste constitue une négation de l’extermination systématique des personnes juives sous le régime nazi et est dès lors susceptible de réaliser les éléments constitutifs de l’art. 261bis par. 4 in fine CP (incriminant la négation, la minimisation ou la justification d’un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité), même si les propos négationnistes sont tenus dans le cadre d’un spectacle humoristique. Si la protection de la liberté d’expression au sens de l’art. 10 CEDH couvre également la satire, elle est néanmoins restreinte par la clause de l’interdiction de l’abus de droit de l’art. 17 CEDH. Ainsi des propos contraires aux valeurs sous-tendant la CEDH se voient-ils soustraits à la protection de l’art. 10 CEDH par le biais de l’art. 17 CEDH.

Refus d’une nouvelle audition d’enfants dans le cadre d’une affaire d’abus sexuels et préjudice irréparable (art. 394 let. b CPP)

Un recours contre le refus du ministère public d’ordonner un acte d’instruction n’est recevable que s’il existe un préjudice juridique irréparable au sens de l’art. 394 let. b CPP. Un tel préjudice existe lorsque le refus d’instruire porte sur un moyen de preuve qui risque de disparaître. Tel peut être le cas lorsque le ministère public refuse d’ordonner une seconde audition d’enfants en bas âge dans le cadre d’une instruction portant sur des faits d’abus sexuels.

Le prévenu ne peut pas retirer son opposition si le Ministère public rend une nouvelle ordonnance pénale ou s’il porte l’accusation devant le tribunal

En cas d’opposition du prévenu, celui-ci ne peut pas la retirer avant que le Ministère public ne décide de la nouvelle issue de la procédure. En outre, la possibilité pour le prévenu de retirer son opposition n’existe que si le Ministère public maintient l’ordonnance pénale initiale, mais pas s’il rend une nouvelle ordonnance pénale ou s’il porte l’accusation devant le tribunal compétent. Dans ces deux derniers cas, le Ministère public n’est pas lié par son ordonnance pénale initiale et l’interdiction de la reformatio in pejus ne s’applique pas.

Hormis les cas de défense obligatoire, la faute de l’avocat est imputée à son client

Le Tribunal fédéral confirme les conditions posées dans l’ATF 143 I 284 et précise que les seuls cas dans lesquels la faute de l’avocat ne peut pas être imputée à son client sont ceux qui relèvent de la défense obligatoire au sens de l’art. 130 CPP. Ainsi, l’omission fautive, par l’avocat, de poster dans les délais légaux une opposition à l’ordonnance pénale qui condamnait son client a été imputée à ce dernier, ce qui l’a, de fait, privé d’un recours effectif contre la décision le condamnant.

Refus de l’assistance judiciaire et garantie d’un procès pénal équitable : analyse d’une jurisprudence étonnante

La CourEDH a rendu un arrêt dans lequel elle reconnaît que, au vu des circonstances du cas d’espèce, les autorités suisses auraient dû ordonner la défense d’office et gratuite du prévenu (art. 132 al. 1 let. b CPP). Néanmoins, elle nie toute violation, par la Suisse, de l’art. 6 CEDH. En effet, après une analyse globale relative à l’exigence d’une procédure pénale équitable, la CourEDH parvient à la conclusion que le requérant a, effectivement, été défendu pro bono par un avocat, malgré le refus du Tribunal fédéral de lui accorder une assistance judiciaire. Par conséquent, elle estime que le requérant n’a pas souffert concrètement de ce refus.

Pas de thérapie par électrochocs sous la contrainte

Un jugement pénal qui prononce une mesure thérapeutique institutionnelle (art. 59 CP) contre l’auteur tout en réservant la possibilité d’une médication forcée ne permet pas à l’autorité d’exécution des peines d’ordonner une thérapie par électrochocs (électroconvulsivothérapie) sous la contrainte, traitement distinct et, en l’état actuel de la science, sujet à débat.

Écoutes téléphoniques : une durée de 17 mois pour requérir l’autorisation d’une découverte fortuite est largement excessive, même si le délai de 24 heures est une prescription d’ordre 

En cas de découverte fortuite issue d’une surveillance active d’un raccordement téléphonique (art. 269 ss CPP), l’autorité de poursuite pénale doit immédiatement ordonner la surveillance et requérir l’autorisation du tribunal des mesures de contrainte (TMC) pour l’exploiter contre un nouveau prévenu (art. 278 CPP). Un délai de 17 mois entre l’identification de la découverte fortuite et la requête au TMC est excessif, de sorte que le TMC doit refuser la requête en pareil cas. En conséquence, l’ensemble des opérations d’instruction effectuées sur cette base sont absolument inexploitables et doivent être écartées du dossier pénal, puis détruites à l’issue de la procédure.

Refus d’ordonner une nouvelle expertise psychiatrique et préjudice juridique au sens de l’art. 394 let. b CPP

La personne qui souhaite recourir contre le refus du ministère public d’ordonner un acte d’instruction doit établir l’existence d’un préjudice juridique au sens de l’art. 394 let. b CPP. Un pareil préjudice est admis lorsque le refus d’instruire concerne des moyens de preuve qui risquent de disparaître. Si le refus d’instruire porte sur la mise en œuvre d’une nouvelle expertise psychiatrique, le risque que le moyen de preuve disparaisse réside dans le fait que la procédure de première instance a lieu, en règle générale, plusieurs mois voire plusieurs années après l’établissement de l’expertise. Si le tribunal du fond devait arriver à la conclusion que l’expertise psychiatrique présente des lacunes ou est inexploitable, la mise en œuvre d’une nouvelle expertise, après l’écoulement d’un temps conséquent, ne serait potentiellement plus pertinente. Il revient en principe au recourant de démontrer que ce risque pourrait se réaliser.