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L’échéance d’un titre de détention au cours d’une détention pour des motifs de sûreté et les conséquences de sa prolongation tardive

Une ordonnance provisoire de prolongation de la détention ne constitue pas un titre juridiquement valable justifiant une détention pour des motifs de sûreté. L’absence temporaire d’un titre de détention dans le cadre d’une procédure d’appel n’entraîne pas automatiquement une libération immédiate. Une violation des règles de procédure relatives à la détention avant jugement peut être réparée d’emblée par une constatation de l’irrégularité, une admission partielle du recours sur ce point, la mise à la charge de l’État des frais de justice et l’octroi de pleins dépens au recourant.

Le tribunal des mesures de contrainte ne peut pas ordonner la détention provisoire pour une durée supérieure à celle requise par le ministère public

Le tribunal des mesures de contrainte outrepasse ses compétences s’il ordonne la mise en détention du prévenu pour une durée plus longue que celle requise par le ministère public dans ses conclusions. De la même manière, la répartition des rôles entre le ministère public et le tribunal des mesures de contrainte n’est pas respectée si celui-ci prononce la détention provisoire alors que le ministère public n’a requis que des mesures de substitution. Il est en revanche admissible que le tribunal des mesures de contrainte prononce des mesures de substitution plus incisives que celles requises par le ministère public.

Le recrutement assimilé à la traite d’êtres humains

Le recrutement au sens de l’art. 182 al. 1 in fine CP est consommé dès la perte, par la victime, de son libre arbitre. L’acquéreur peut en même temps être le recruteur et doit avoir pour objectif l’exploitation de la victime. Le recrutement se comprend ainsi comme un « processus global » précédant l’exploitation de la victime et qui tend vers ce but.

La précision de l’acte d’accusation en cas d’infractions répétées dans un certain laps de temps et le calcul du « délai raisonnable » à l’aune de l’art. 5 CPP

Le principe d’accusation est respecté même si l’acte d’accusation situe les faits incriminés dans un laps de temps relativement étendu (en l’espèce trois ans et demi) lorsqu’il s’agit d’infractions commises à répétition. Il importe que le prévenu sache suffisamment précisément ce qui lui est reproché et que ses droits procéduraux soient assurés. Selon l’atteinte qu’elles provoquent sur le prévenu, les mesures de substitution à la détention peuvent mener à l’application de l’art. 5 al. 2 CPP. Pour déterminer si l’autorité a violé le principe de célérité, la méthode du « retard net » (soustraire les 90 jours de l’art. 84 al. 4 CPP sur la durée totale) n’est pas autorisée. Ainsi, une attente de 12 mois et demi pour obtenir l’exposé des motifs ne peut pas être réduite à 9 mois et demi.

Le concours parfait entre l’art. 91 al. 2, let. a cum b, LCR

Le conducteur d’un véhicule automobile qui présente un état d’ébriété qualifié (art. 91 al. 2 let. a LCR) et qui se trouve également dans l’incapacité de conduire pour d’autres raisons, comme un état de fatigue avancée (art. 91 al. 2 let. b LCR) peut être condamné pour la violation de ces deux dispositions. Le Tribunal fédéral retient ainsi un concours parfait entre ces deux normes, conduisant à l’application de l’art. 49 al. 1 CP.

Le cessionnaire d’une créance fondée sur l’infraction préalable lésé en raison d’un blanchiment d’argent postérieur à la cession

Le Tribunal fédéral précise pour la première fois que l’art. 305bis CP (blanchiment d’argent) protège également les intérêts patrimoniaux de la personne qui, bien que n’étant pas elle-même lésée par l’infraction préalable, est la cessionnaire des prétentions en dommages-intérêts résultant de l’infraction préalable.

Peine pécuniaire et lex mitior : le nouveau droit n’est pas plus favorable – vraiment ?

Le Tribunal fédéral revient sur deux jurisprudences non publiées rédigées en français dans lesquelles il avait d’office ramené à 180 jours-amende des sanctions prononcées après le 1er janvier 2018 pour des faits commis avant l’entrée en vigueur de la réforme du « nouveau » droit des sanctions. Il rappelle que l’application du principe de la lex mitior (art. 2 al. 2 CP) ne peut se faire en « panachant » l’ancien et le nouveau droit et qu’ainsi, lorsque le juge considère qu’une peine pécuniaire de 300 jours amende sanctionne de façon adéquate une infraction commise avant le 1er janvier 2018, l’art. 2 al. 2 CP ne permet pas de réduire cette peine à 180 jours-amende en application du nouvel art. 34 al. 1 CP.

Qualité de partie plaignante de l’Asloca-Genève déniée

Le Tribunal fédéral nie la qualité de partie plaignante de l’Asloca-Genève qui avait déposé une plainte pénale pour faux dans les titres commis dans l’exercice de fonctions publiques (art. 317 CP) et obtention frauduleuse d’une constatation fausse (art. 253 CP). Selon le Tribunal fédéral, l’Asloca ne pouvait pas se voir reconnaître une telle qualité dès lors que ses intérêts individuels n’étaient pas directement atteints par le titre en question. En théorie, toutefois, il est concevable que la violation des art. 253 et 317 CP puisse porter directement atteinte aux intérêts individuels d’une personne lorsque le faux sert précisément à lui nuire.

Le droit du ministère public de recourir contre les décisions relatives à des mesures de substitution à la détention avant jugement

Le ministère public est habilité à recourir non seulement contre les décisions du tribunal des mesures de contrainte relatives à la détention avant jugement mais également contre son refus d’ordonner, de prolonger ou de révoquer des mesures de substitution à la détention. Le Tribunal fédéral poursuit ainsi son œuvre créatrice en étendant son interprétation contra legem de l’art. 222 CPP aux mesures de substitution.

Les conditions de la libération conditionnelle de l’internement

Les exigences de l’art. 64a al. 1 CP pour la libération conditionnelle de l’internement sont très strictes et la probabilité que l’auteur se conduise bien en liberté doit être élevée. L’âge et, conformément au principe de proportionnalité, les nombreuses années de privation de liberté, peuvent abstraitement être invoqués en faveur de la libération conditionnelle de la mesure d’internement. Il ne s’agit toutefois pas de critères absolus dans l’évaluation de la dangerosité d’une personne internée et ils doivent continuer à être mis en balance avec l’intérêt à la protection des victimes.