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Pour lire des messages WhatsApp injurieux, il vaut mieux rester en Suisse

Dans le cas de propos injurieux adressés, depuis l’étranger, à un tiers se trouvant à l’étranger par le biais de la messagerie WhatsApp, puis relayés au lésé se trouvant en Suisse, le résultat de l’infraction qu’est l’injure survient au lieu de (la première) prise de connaissance des propos. La compétence territoriale des autorités pénales suisses fondée sur le lieu du résultat (art. 3 al. 1 cum 8 al. 1 CP) est niée.

Violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d’un appareil de prises de vues (art. 179quater CP) : filmer une partie commune d’immeuble ne réalise pas les éléments constitutifs objectifs de l’infraction

Filmer une partie commune d’un immeuble d’habitation sans le consentement des autres habitants ne constitue pas une infraction au sens de l’art. 179quater CP. En effet, les occupants de l’immeuble ne disposent pas d’un droit exclusif les uns par rapport aux autres et ne bénéficient donc pas d’une protection de leur sphère privée en ces lieux.

La victime de traite d’êtres humains n’a pas de droit à obtenir de l’État une indemnisation LAVI correspondant au salaire non perçu

Le texte de la loi qui exclut le dommage purement économique et/ou patrimonial de l’indemnisation LAVI est clair et correspond à la volonté du législateur. Le fait que le recourant, victime de traite d’êtres humains, n’ait pas le droit d’obtenir de l’État une indemnisation LAVI correspondant au salaire non perçu ne saurait par conséquent être corrigé par la voie de l’interprétation. De même, il ne peut être conclu à l’existence d’une lacune proprement dite, qui devrait être comblée par le juge.

La renonciation écrite du prévenu à faire opposition à l’ordonnance pénale

Le prévenu allophone, dépourvu de conseil juridique, à qui une ordonnance pénale est notifiée en mains propres au poste de police, avec une traduction orale par un policier, ne peut pas valablement renoncer (cf. art. 386 CPP) à faire opposition par le biais d’une déclaration écrite générique, signée sur-le-champ, dont rien n’indique qu’elle aurait été traduite dans une langue qu’il comprend. Une telle manière de faire contrevient au principe d’équité de la procédure.

Obligation de s’annoncer auprès des autorités sanitaires cantonales au retour d’une zone à risque : l’exigence de précision de l’ordonnance Covid-19 alors en vigueur fait défaut

Une voyageuse ayant rempli une carte de contact de l’OFSP ne peut se voir condamnée sur la base de l’art. 83 al. 1 let. k et al. 2 LEp au motif qu’elle n’a pas simultanément averti les autorités sanitaires cantonales de son entrée en Suisse. Cette obligation d’annonce, prévue dans l’ordonnance Covid-19 sur le transport international des voyageurs en vigueur jusqu’en février 2021, ne saurait être assimilée à l’obligation de faire connaître son identité, ses coordonnées et son itinéraire ancrée à l’art. 41 al. 2 let. a LEp. L’intéressée ne pouvait donc pas être condamnée sur la base de cette disposition. Même à considérer ces deux obligations comme équivalentes, la voyageuse n’a pas enfreint ses devoirs dès lors qu’elle a rempli une carte de contact de l’OFSP.

Ordonnance pénale, désignation des prévenus et prohibition du formalisme excessif : confirmation d’un arrêt de principe

Dans le cadre de plusieurs arrêts rendus en lien avec l’évacuation d’activistes installés sur la colline du Mormont (VD), le Tribunal fédéral a eu l’occasion de confirmer certains développements récents en matière de droit à l’anonymat et de désignation des prévenus. Ainsi, l’esprit de l’art. 353 al. 1 let. b CPP suppose que les prévenus soient distinguables, sans risque de confusion, mais non qu’ils soient strictement désignés par leurs identités. Dès lors, en désignant des prévenus de façon générique dans des ordonnances pénales, l’autorité ne peut, sous peine de formalisme excessif, déclarer ensuite leurs oppositions irrecevables en raison du non-respect des exigences de forme alors même que ceux-ci ont formé opposition sous la même désignation que celle employée à leur égard par les autorités.

Viol et contrainte sexuelle : la question de l’éventuel consentement d’une victime ne peut pas être tranchée sur la seule base de vidéos des actes d’ordre sexuel 

L’autorité cantonale qui retient que des jeunes femmes ont consenti à des actes d’ordre sexuel sur la base de vidéos, alors que leurs déclarations et des expertises sexologiques indiquent le contraire, sombre dans l’arbitraire. De même, il est manifestement inexact d’établir que le photographe amateur qui a mis en place une stratégie pour obtenir des actes d’ordre sexuel de ses modèles ignorait que ces dernières n’étaient pas consentantes.

Échec de la procédure d’extradition : droit à une indemnité et frais de détention

La personne qui a fait l’objet d’une procédure d’extradition vers la Russie qui s’est soldée par un échec en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a le droit à une indemnité sur la base de l’art. 15 EIMP. En effet, la demande d’extradition a été rejetée avant le terme de la procédure extraditionnelle et sa détention, bien que licite au cours de la procédure, se révèle à présent injustifiée. En outre, les frais de détention générés par la procédure d’extradition ne peuvent lui être imputés et l’entier du montant de sa caution doit lui être restitué.

Le stealthing est constitutif de désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel (art. 198 al. 2 CP)

Le stealthing, soit le fait de retirer son préservatif à l’insu de son ou sa partenaire durant un rapport sexuel consenti, est constitutif de désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel (art. 198 al. 2 CP), en l’état actuel du droit pénal en matière sexuelle. En effet, cette disposition a fonction d’infraction subsidiaire, lorsque, comme dans le cas d’espèce, la contrainte ou l’abus fait défaut. En retirant son préservatif à l’insu de sa partenaire, délibérément, tout en étant conscient que celle-ci pensait qu’il en portait un et ne souhaitait pas qu’il le retire, l’auteur commet un acte d’ordre sexuel sans son consentement et se rend ainsi coupable d’infraction à l’art. 198 al. 2 CP.

Influence du jugement pénal sur les prétentions civiles : la qualité pour recourir de la partie plaignante à l’encontre d’une ordonnance de classement 

La qualité pour recourir au sens de l’article l’art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF ne peut pas être admise lorsque les démarches entreprises par la partie plaignante visent uniquement à faciliter le recouvrement de ses prétentions civiles. Le simple fait qu’un classement de la procédure pénale suisse empêcherait l’identification d’avoirs confiscables et compromettrait fortement la réparation du dommage n’est pas suffisant pour fonder un intérêt à recourir. La décision de classement doit exercer une influence sur le jugement des prétentions civiles et non pas simplement sur le recouvrement.

La prise en charge des frais d’avocat selon la LAVI

Les frais d’avocat au sens de la LAVI ne peuvent être réclamés qu’au titre d’aide immédiate ou d’aide à plus long terme (art. 13 LAVI) et non au titre d’indemnité (art. 19 LAVI). En outre, la victime LAVI qui ne requiert pas l’assistance judiciaire gratuite dans la procédure pénale peut encore demander ultérieurement la prise en charge de ses frais d’avocat par le biais de l’aide aux victimes. La seconde institution n’est pas subsidiaire à la première.